
Le rappeur togolais Aamron (Tchala Essowè Narcisse) a été à nouveau interpellé le 19 septembre 2025 à son domicile de Lomé. Le juge l’a inculpé de « trouble aggravé à l’ordre public, appel au soulèvement populaire et incitation de l’armée à la révolte ». Immédiatement placé en garde à vue, Aamron a finalement été libéré vers 21h30 le jour même. Il est ressorti sous contrôle judiciaire.
La récente arrestation d’Aamron intervient dans un climat politique déjà électrique : elle est survenue quelques jours après celle de Marguerite Gnakadè, inculpée des mêmes chefs d’accusation. Les opposants dénoncent un « abus de pouvoir » visant à faire taire des voix dissidentes. D’autres encore crient à la criminalisation de l’expression artistique, mais il convient de faire une distinction entre expression artistique et action politique ou criminelle.
En droit togolais, la liberté d’expression est officiellement garantie. La Constitution du 6 mai 2024 affirme que « la libre communication des pensées est garantie par la loi ; chacun peut s’exprimer et diffuser librement son opinion par la parole, par l’écrit, par l’image et s’informer sans entraves ». De même, la loi sur le statut de l’artiste reconnaît « la liberté d’expression artistique et culturelle » aux créateurs togolais. Ces textes soulignent l’importance de la création artistique dans l’identité nationale togolaise. De plus, selon la loi culturelle togolaise, les artistes contribuent au « rayonnement de la nation » et au « développement culturel » du pays.
Cependant, l’exercice de cette liberté connaît des limites précises. Le code pénal togolais réprime les propos jugés dangereux pour la sécurité de l’État ou l’ordre public. Plusieurs articles sanctionnent l’incitation à la violence, l’atteinte à l’autorité ou la haine contre les institutions. Dans un communiqué datant de juin 2025, le gouvernement a rappelé que « la liberté d’expression, bien que garantie par la Constitution, ne saurait exonérer les citoyens du respect des lois en vigueur », en particulier celles relatives à la sécurité intérieure et à la presse. En clair, la critique politique – même virulente – reste protégée tant qu’elle ne trouble pas l’ordre public ni ne devient une infraction pénale prévue par la loi. Les chefs retenus contre Aamron (appel au soulèvement, incitation des militaires) s’inscrivent clairement dans le cadre de ces incriminations.
Le débat a dépassé le cadre de la satire politique pour tomber dans l’incitation réelle à la révolte, qui constitue un délit punissable par la loi.